Etudes et Expérimentation en Formation Continue
numéro spécial : Formations
Ouvertes
A propos de mutualisation
et de transfert liés aux formations ouvertes
par Olivier Las Vergnas
Chargé de mission "Formation Professionnelle"
à la Cité des Sciences et de l'Industrie
Chef du Projet "Métiers et Vie
Professionnelle"
1. Pourquoi développer la mutualisation
et les transferts ?
Le développement des formations ouvertes (au sens
d'actions de formation s'appuyant pour tout ou partie sur des apprentissages
non présentiels) est encouragé par l'Etat pour permettre en particulier
"une optimisation des budgets de formation"[1]. Ces
systèmes constituent en effet un des éléments de réponse souvent envisagé[2] face
aux enjeux économiques et aux besoins sociaux en systèmes de formation plus
efficaces à moindre coût.
Permettre une diminution des coûts de formation ne
constitue pas bien sûr l'unique objectif du développement des formations
ouvertes. La plupart des formateurs et des commanditaires mettent aussi en
place de tels systèmes de formation pour améliorer les conditions d'accès,
accroître l'individualisation des apprenants, ou encore permettre une
capitalisation de qualité optimale des enseignements des experts. Il n'en reste
pas moins que c'est l'amélioration du rapport efficacité/coût des formations
qui représente un enjeu bien plus convaincant pour les décideurs par son poids
économique.
comment réaliser des économies d'échelle ?
Pour améliorer globalement le rapport efficacité/coût
des formations par la mise en place de ces systèmes ouverts, il faut, sans
nuire à la qualité pédagogique, faciliter le transfert d'outils et de
compétences (méthodes de conception, techniques de réalisation et de gestion)
et encourager la mutualisation (au sens de gestion mutuelle) des besoins de
formation, des réseaux et des financements.
Nous appellerons dans la suite "mutualisation"
les situations où les acteurs se coordonnent pour gérer ensemble des problèmes
(besoins de formation) ou des solutions apportées à ces problèmes
(financements, réseaux de ressources). Nous appellerons "transfert"
les échanges impulsés a priori ou a posteriori par un seul des partenaires qui
propose des outils ou des compétences.
2. Quels sont les lieux de mutualisation et les acteurs des
transferts ?
De tels transferts ou de telles situations de
mutualisation s'organisent dans des structures d'échanges qui peuvent rester
internes à une seule entreprise (entre plusieurs sites ou plusieurs filières),
se développer au sein d'un groupe économique, ou selon des structures
inter-entreprises horizontales ou verticales.
Une des questions clés est de savoir quels sont les
acteurs qui ont des intérêts suffisamment généraux pour vouloir vraiment
faciliter les transferts ou encourager les comportements mutualistes ?
L'analogie a été faite[3] avec
les investissements pour l'informatisation des grands comptes dans le secteur
bancaire : faute de structures et d'acteurs pour assurer la mutualisation ou le
transfert des systèmes informatiques, la plupart de ces systèmes ont été conçus
et développés par chaque structure indépendamment, ce qui représente un surcoût
collectif impressionnant.
transferts a priori ou a posteriori
Si l'on parle de transfert d'outils, il faut distinguer
les situations où le transfert est prévu a priori et où cette contrainte a été
prise en compte dans le cahier des charges et les situations a posteriori, où
l'idée de transférer est venue une fois le produit conçu, voire réalisé.
Comme exemple de transferts a priori, on peut citer les
bornes de formation des maçons au coffrage développées par l'OREP de Pau pour
la société Dumez[4] :
elles ont été expérimentées dans leur filiale Weiler et conçues pour être
étendues à l'ensemble des chantiers du groupe. Dans ce type de transferts
prévus à l'avance, les différents partenaires du tour de table initial (en
particulier les organismes financiers co-investisseurs) choisissent un
compromis entre un élargissement du spectre des publics des outils en poussant
à la production d'un produit large avec beaucoup de possibilités de transfert
et une adaptation pointue à la situation du principal commanditaire.
Pour les transferts a posteriori (à supposer bien sûr
que l'on ne fasse pas de la re-conception) on se trouve dans une logique proche
de celle du marketing, où les porteurs de l'outil cherchent à identifier des
"clients" leur permettant de rentabiliser au mieux leur
investissement. Un exemple parmi d'autres d'un tel transfert externe : la
société Westmill[5]
rentabilise la production qu'elle a conduite pour la Société Générale, d'outils
EAO anglais professionnel en les
commercialisant ensuite (avec un accord du commanditaire initial) auprès
d'autres entreprises, comme Air France et Péchiney. Cette diffusion peut se
conduire à l'interne d'un groupe ou dans une démarche plus ouverte de
commercialisation vers des sociétés extérieures.
Comme exemple de transfert a posteriori interne à un
groupe, on peut citer au sein du groupe CIC la mise en place du programme CAP 2000[6] qui a
pour objectif de capitaliser, de mutualiser, disséminer et diffuser les
innovations pédagogiques mises en oeuvre par les partenaires régionaux du
groupe ; ce programme va permettre entre autre de transférer au sein des entreprises
du groupe CIC cinq systèmes de formation : Economie,
Banque, Communication de la Lyonnaise de Banque, Gutemberg 2000 de la SNVB, Acteurs
du Changement Professionnel du Crédit Industriel du Nord, FORMACO du Crédit Industriel de l'Ouest
et EVALUATION "ETHNOS" de
la BSD.
En ce qui concerne le transfert externe, une
multiplicité de tentatives de commercialisation systématique ont montré que
nous ne sommes pas pour l'instant face à un marché structuré, sauf pour les
outils de formation aux langues étrangères et peut-être à l'informatique. Dans
les autres domaines, les offres d'outils sont beaucoup trop parcellaires et les
habitudes de consommation et d'achat des formateurs quasi-inexistantes, sans
doute par manque de formation, d'information et de possibilité de mise en
oeuvre des outils. Cependant de nombreuses initiatives existent, avec des
outils ou des systèmes de formation de toutes tailles. Citons, comme exemple
parmi beaucoup d'autres, le programme d'EAO Biotechnologies du CNED[7].
situations de mutualisation
Parlons maintenant des situations de mutualisation.
Tout d'abord, pour mémoire, rappelons que l'on parle
souvent de "mutualisation à l'interne d'une entreprise" pour désigner
la mise en place à l'intérieur d'une entreprise ou d'un groupe de système
d'échange des compétences. Des systèmes, comme le programme de centres de
ressources sur le lieu de travail mis en place à la Cellulose d'Aquitaine avec
le CAFOC de Toulouse[8] en
constituent de bons exemples.
Les situations de mutualisation externes concernent,
quant à elles, la mise en commun des financements, des compétences, des besoins
ou des ressources. Elles s'appuient sur les partenaires de réseaux -souvent
déjà existants- ayant mission ou habitude de rentabiliser des investissements :
il peut s'agir de Fonds d'Assurance Formation : ainsi le réseau des Formathèques[9],
centres de consultation et de conseil principalement destinés aux décideurs de
formation dans les PME est-il progressivement mis en place à l'initiative de
l'AGEFOS-PME. Les Chambres Consulaires sont également à l'origine de
mutualisation : citons le programme Vigilance[10] mis
en place par l'IFACE, (organisme de formation lié à la Chambre de Commerce et
d'Industrie de Paris) pour former à la veille stratégique les dirigeants de PME
et qui est de plus transféré en Angleterre, Italie, Espagne et Belgique.
Des structures nouvelles se créent aussi entre des
partenaires d'un secteur professionnel qui s'assemblent pour mutualiser : on
peut prendre comme exemple la mise en place de Groupements d'Intérêt
Economiques interbancaire[11] dans
quatre régions en particulier PACA et Nord-Pas de Calais. Ces GIE ont été
constitués pour permettre la recherche de financements locaux et
communautaires, tout en laissant chaque partenaire produire pour ses propres
besoins ; ils évoluent maintenant vers des productions communes, entre
établissements bancaires pourtant concurrents.
On voit aussi se constituer des consortiums de
spécialistes d'un domaine de compétences ; tel est le cas du réseau des
partenaires fondateurs du système Euro-PACE[12] qui
diffuse par satellite des programmes de formation dans le domaine de
l'électronique et de l'informatique ou du réseau des spécialistes des travaux
publics maritimes autour de l'université de Nantes avec le CD-Rom Didacmer[13] par
exemple.
D'autres acteurs interviennent et militent directement
ou indirectement pour le transfert ou la mutualisation : les pouvoirs publics,
nous l'avons déjà signalé, interviennent largement (en particulier la DFP) pour
stimuler des économies d'échelle. Les réseaux classiques de la formation
professionnelle sont bien sûr concernés (réseaux publics type CNED, CNAM ou
encore AFPA, mais aussi réseaux privés, comme le CEGOS ou le CESI) ; ils sont
rejoints par de nouveaux opérateurs ou projets éducatifs et culturels proches
de la formation professionnelle (projet de système de validation comme France
Université, projet de TV Educative par exemple). Enfin, n'oublions pas les
éditeurs pédagogiques et quelques producteurs audio-visuels (et les investisseurs
qui les soutiennent) qui observent ou stimulent au coup par la structuration du
marché.
3. pour faciliter le transfert des outils
taille et échelle des modules à transférer
Il n'est pas nouveau de comparer les outils pédagogiques
à des poupées-gigognes : un cursus se découpe en modules, découpés en séquences
; de même, un outil pédagogique se découpe en séquences, en épisodes ... de
l'EAO de 530 heures développé par une branche professionnelle au clip vidéo
pédagogique de 1 minute 30[14], des
outils produits par le système de capitalisation du Centre Permanent de
Formation du BTP de Vitry-sur-Seine, à ceux diffusés par les futurs
télé-centres de l'ENIC[15], tous
les gabarits d'outils existent.
Les acteurs qui cherchent à se situer dans le
"marché" des outils pédagogiques proposent une multitude de taille,
de formats, de modes d'usage, de supports correspondant à des situations
pédagogiques d'une variété étonnante : il résulte de cette situation un double
inconvénient : la lisibilité de l'offre est très mauvaise et les pratiques
pédagogiques qui peuvent se développer autour de ces produits ne sont pas le
moins du monde codifiées. Bien sûr, les formateurs peuvent toujours s'adapter
au cas par cas, mais la comparaison s'impose avec les outils classiques de la
formation initiale : manuels de cours (avec livre du maître et de l'élève),
vidéos d'illustration, livrets de diapositives : ces derniers outils sont plus
calibrés et sécurisent davantage formateurs et apprenants.
Une double conclusion découle de cet état de fait :
D'un point de vue pédagogique, nos systèmes souples de
la formation professionnelle doivent d'urgence codifier des palettes d'outils
structurés et calibrés si nous ne voulons pas définitivement inhiber les
formateurs.
D'un point de vue marketing, si l'on veut pouvoir
transférer avec une logique de marché commercial, il faut structurer l'offre
par des gammes de produits aisément lisibles et communes aux différents
acteurs, pour créer des habitudes d'usage et de consommation et des repères.
transférer sans nuire à la qualité pédagogique
Derrière cette assertion, se cachent deux paradoxes
familiers des professionnels de la formation :
Le premier paradoxe concerne l'apparente contradiction
entre service pédagogique et commercialisation d'outils manufacturés.
La situation actuelle est marquée par une évolution de
l'appareil de formation qui passe d'une situation d'offre sur catalogue au
conseil pédagogique, voire à l'ingénierie de formation, c'est à dire à une
activité de service (au sens d'activité nécessitant la participation du
client). En parallèle, on veut industrialiser des outils et des produits
manufacturés.
Le second paradoxe concerne l'apparente opposition entre
l'individualisation des apprentissages et l'industrialisation des outils.
Développer des situations d'apprentissage et des
parcours individualisés est quelquefois vu comme contradictoire avec la
diffusion d'outils manufacturés et avec la mise en place de réseaux de lieux
"standardisés".
Ces deux paradoxes permettent de bien situer les limites
des transferts possibles :
Le premier fixe une limite à l'ambition des transferts.
Des outils où des éléments pédagogiques ou méthodologiques peuvent être mis à
disposition, mais un système clé en main ne peut être exporté. Il faut au cas
par cas un travail d'ingénierie pour définir un protocole de validation, un
système d'accompagnement (tutorat, échanges de pratiques, regroupement) et des
dispositifs techniques (postes de travail, centre de ressources, messageries)
selon la spécificité des besoins et des contextes.
Le second paradoxe ne concerne pas spécifiquement le
transfert ou la mutualisation. Mais il permet de rappeler cependant les
caractéristiques des outils "intéressants à transférer". On doit
respecter un double niveau d'individualisation : celui des parcours
macroscopiques (en n'intégrant pas d'outils trop volumineux) et celui des
cheminements microscopiques (grâce à des outils intelligents, réagissant point
par point en fonction des réponses des apprenants).
deux logiques, deux niveaux de clients
A la différence de la mutualisation, le transfert
commercial des outils de formation vers des utilisateurs suppose des besoins
d'outils et "des clients". Il peut y avoir deux cas très différents :
Premier cas : on veut transférer des outils vers des
clients-utilisateurs dans le cadre d'un système de formation pensé pour un
public défini par des pratiques professionnelles avec des lieux de travail et
de formation connus. Dans ce premier cas, il faut fabriquer des outils
appropriables par les concepteurs de systèmes : il doit donc s'agir de modules
fournis avec leur modes d'assemblage pour permettre la conception en local de
chaque système de formation.
Deuxième cas : on veut transférer des outils vers des
clients-utilisateurs qui les mettront dans des centres de ressources, type
didacthèques et autres APP ...
Dans ce deuxième cas, les outils doivent être
directement assemblables par les apprenants eux-mêmes ; cela signifie qu'en
terme de cahier des charges, il y a deux clients à la fois : le
client-responsable du centre de ressource d'une part et le formé ultime d'autre
part.
Remarquons de plus sur ce deuxième cas que la situation
est un peu celle de la poule et de l'oeuf, voire celle de la basse-cour et de
la crémerie. Il faut arriver à gérer simultanément la naissance des réseaux de
centres de ressources et la mise sur le marché des outils.
4. le transfert des méthodes de conception et des compétences
nécessaires aux professionnels
Investissement intellectuel et protection
Les formations ouvertes nécessitent un investissement
intellectuel très important. Produire des systèmes ou des outils pédagogiques
efficaces s'appuie sur la mise au point de méthodes de conception voire de
méthodes pédagogiques originales dont l'élaboration peut se chiffrer en mois de
travail.
Il est certes maintenant acquis que cet investissement
intellectuel de recherche et développement peut être financé dans le cadre de
l'article L920-2 et des programmes d'appui de l'Etat ou de la communauté (via
DELTA par exemple) ont largement contribué à l'avancée des recherches
pédagogiques.
Ainsi, au niveau des méthodes pédagogiques, certains
acteurs de la conception ont beaucoup progressé ces dernières années sur des
questions pédagogiques[16] aussi
bien que sur des questions d'organisation (tutorat, échanges de pratiques,
partage des ressources) des systèmes de formations ouvertes.
Cependant, il est naturel que les acteurs de la
conception de systèmes de formation hésitent à voir, sans contre-partie
économique, les concurrents s'emparer des résultats de leurs recherches. Qui
prendra le risque de perdre les ressources que va lui assurer une méthode de
conception ou une méthode pédagogique performante ? Ce réflexe protectionniste
entraîne que ce type d'acquis circulent difficilement faute d'une organisation
ad'hoc : il y a trop de concurrence, trop de risques et trop de retours sur
investissement attendus.
Si l'on veut progresser dans ce domaine du
"transfert méthodologique", il faut s'inspirer de l'organisation des
échanges dans le classique transfert de technologie et mettre en place un
système analogue aux brevets, qui permette de protéger et de rétribuer les
échanges de méthodes de conception ou de méthodes pédagogiques. Ce problème de
protection et de commercialisation ne se limite d'ailleurs pas au seul champ
des formations ouvertes, les mêmes aspects de concurrence et de responsabilité
sociale se posent dans l'ensemble de l'ingénierie de formation.
Actuellement, nous ne savons pas faire fructifier
économiquement les compétences intellectuelles ; pire, nous n'assumons
peut-être pas qu'il faudrait le faire et vendre les méthodes en tant que
telles. Nous ne les facturons qu'au travers d'outils dérivés : outils
techniques qui les mettent en oeuvre (on achète un brevet ou les droits d'un
logiciel), session de consultation d'une base de données qui met en relation
(on paye le coût du média de veille technologique) ou encore session de
formation à telle méthode (là encore, on paye le média et non réellement le
droit d'utiliser une méthode).
transfert des méthodes de production
Dans ce domaine, il faut surtout noter que la plupart
des porteurs de projets et autres commanditaires sont confrontés aux mêmes
problèmes de montage des partenariats et de constitution de tour de table de
financeurs.
En effet, les systèmes de formations ouvertes s'appuient
sur une gestion de l'investissement bien différente de celle des systèmes
classiques de formations : pour les formations ouvertes, il faut investir plus
et souvent pour plus longtemps. Cette situation entraîne des problèmes cruciaux
de stratégies de partenariat, car les investissements à réunir sont
disproportionnés pour la plupart des organismes de formation qui sont habitués
à des réflexes à court termes, comme la plus grande partie des sociétés de
services. Mais ce problème n'est pas du ressort de la formation ou du transfert
de compétences !
Pour le reste des fonctions des "chefs de
projets", nous n'en sommes pas aujourd'hui à un niveau de formalisation de
compétences qui permette de transférer à coup sur des méthodes fiables de
production de systèmes de formation ; tout au plus peut-on prétendre proposer
aux chefs de projets des grilles d'expertise de leurs projets.
le transfert des compétences des différents intervenants
formateurs
Nous venons de regarder des compétences liés aux
méthodes de conception et aux méthodes pédagogiques. Qu'en est-il du transfert
des autres compétences des différents formateurs qui interviennent autour des
formations ouvertes ?
Hormis le chef de projet "concepteur de centre
ressources ou de système", interviennent des responsables de formation,
des tuteurs, permanents ou occasionnels et des animateurs gestionnaires de
centres des ressources. Plusieurs organismes (CESI, CNAM, CSI, IFACE, Inffo,
ORAVEP, Universités) ont mis en place une gamme d'actions pour ces types de
professionnels.
En constante redéfinition année après année, ces actions
de formation, d'information et de conseil ne sont pas toujours aussi lisibles
qu'on pourrait le souhaiter, car elles essayent à la fois d'inciter et de
répondre aux besoins exprimés. Trois constats :
Premièrement, en ce qui concerne les interventions de
"formation approfondie de formateurs", les descriptions des tâches et
des compétences des divers intervenants s'affinent ; les différentes logiques
des organismes commencent à se préciser et se recentrent autour des lieux
ressources (type didacthèques ou structures de productions)
Deuxièmement, la nécessité de dispositifs d'information
des formateurs et des décideurs est de plus en plus prise en compte. La majeure
partie des regroupements de professionnels de la formation mettent en place,
avec l'appui des lieux ressources des séminaires ou colloques ; c'est dans cet
esprit qu'ont été mises en place, à l'initiative de la DFP[17], les
journées "nouvelles économies de la formation" qui permettent aux
décideurs de faire le point sur les programmes ouverts développés secteur par
secteur. La plupart des exemples de formations ouvertes citées dans ce texte
ont été analysées dans ces journées[18].
Troisièmement, le plan du conseil et du soutien ; dans
ce domaine, l'offre se met progressivement en place. Cela va de pair avec
l'évolution vers des formations-actions de "chefs de projet" liées à
des projets en vraie grandeur. De leur propre chef, ou à l'initiative de
l'Etat, de nombreux organismes ont inscrit cette fonction de conseil sur les
ressources ou d'ingénierie de systèmes dans leurs missions : il s'agit en
particulier d'organismes spécialisés du type CLEO, Didacthèques, Cité des
Sciences et de l'Industrie, ORAVEP ...). Reste à voir qui fera appel à ces
ressources, pourquoi et comment ...
6. Que faire : Objectiver ensemble
Comme dans beaucoup de situations d'émergence de marché
et de savoir-faire, le maître mot est sans doute l'objectivation. Le passage à
la maturité va s'appuyer sur la capacité de tous les acteurs à objectiver de
concert plusieurs éléments clé. On peut au moins en citer quatre.
Premier élément à objectiver :
le marché des méthodes et des savoir-faire de conception
Nous en avons déjà parlé plus haut. Il y a fort à parier
que tant que nous n'aurons pas progressé dans ce champ de la maîtrise du
transfert de méthodes et de technologies éducatives et intellectuelles, les
échanges de pratiques, de méthodes et de compétences seront velléitaires.
Deuxième élément à objectiver :
les outils de calcul des économies d'échelle
Nous avons rappelé plus haut qu'un des objectifs du
développement des formations ouvertes était d'améliorer le rapport
efficacité/coût. Afin d'évaluer l'intérêt de la mutualisation ou du transfert,
il faut être capable de comparer des coûts entre eux et des efficacités entre
elles.
Or, actuellement, la situation est encore floue. Rien
que du côté des coûts, les estimations sont très délicates, en particulier à
cause de la difficulté de prise en compte des coûts de recherche et
développement. En fait, comme pour toutes les productions à haute technicité et
à fort coûts de recherche et développement, il y a plusieurs façons d'affecter
l'amortissement des investissements de conception sur les coûts de production,
selon la taille ou l'échelle de temps que l'on considère.
Prenons par exemple le système de production et de
diffusion vidéo EuroPace, où le système de téléconférence de l'ENIC. Si l'on
cherche à calculer un "coût réel", quelle part de la totalité de la
recherche et du développement va-t-on décider d'affecter ? Selon ce que l'on
veut prouver, on peut aussi prendre en compte dans le calcul du coût
"réel" la totalité de la conception du réseaux des centres locaux ou
alors simplement les coûts d'abonnement et d'équipement, ou vision encore plus
limitée, les seuls coûts de production de la série de cours. De même, la
méthode qui a permis la production du CD-Rom Didacmer ou du produit
Biotechnologies du CNED va être appliquée directement à deux autres produits.
Où affecter l'investissement ?
Sans outil consensuel, stable et fiable de calcul du
retour sur investissement, comment intéresser et convaincre dans des tours de
table avec des éventuels financeurs ?
Troisième élément à objectiver :
des finalités "culturelles" sous-jacentes aux
actions de formation
Le but unique des actions de formation n'est pas le
transfert de compétences ; les actions remplissent aussi d'autres fonctions
telles que le développement de la culture d'entreprise, du sentiment
d'appartenance, telles que la constitution des équipes, l'animation de réseaux
de circulation d'informations techniques par exemple.
Il faut prendre garde à ne pas oublier ces fonctions
quand on envisage de transférer des outils ou de mutualiser des dispositifs de
formation, et ce pour deux raisons :
Premièrement, chaque outil peut comporter des éléments
qui vont agir en négatif ou en positif pour chacune de ces fonctions[19]. Si
l'on veut éviter l'écueil du rejet d'un outil, le noyau "pédagogique"
peut être le même indépendamment du lieu de transfert, mais les éléments de la
"culture d'entreprise" doivent être "adaptables" (disquette
à part) ou ne pas être -pas de logo, pas de look de l'entreprise, pas de
slogan, pas de rappel de la personnalité-.
Deuxièmement, si les outils utilisés sont neutres par
rapport à ces types d'objectifs, il faut compléter le système de formation par
d'autres situations qui permettent de les atteindre. Signalons que ce problème
de la signature ou de la "personnalité de l'entreprise" est d'autant
plus grave dans la formation que l'on est proche d'une situation d'adaptation
au poste de travail.
Quatrième élément à objectiver :
les partages de marchés
Il faut intervenir pour faciliter la structuration des
marchés et la cohérence des productions, et ce pour au moins trois raisons :
harmoniser pédagogiquement la production, rassurer les investisseurs et
faciliter l'information des clients.
Prenons un exemple : la production audio-visuelle
d'information sur les métiers. Beaucoup d'enjeux, la plupart du temps
compatibles entre eux, mais de nombreuses productions anarchiques (avec ou sans
informations sur la formation, sur les conditions d'exercice ; des produits
liés ou non aux éléments quantitatifs, centrés sur des logiques différentes).
En bref, il y a urgence à intervenir pour rationnaliser cette production. Cela
peut se faire par exemple en constituant des corsortiums de producteurs ou en
proposant un découpage de ce "sous-marché" grâce à plusieurs cahiers
des charges consensuels : un définissant des clips de sensibilisation, un autre
des produits plus longs donnant des informations utilisables dans des ateliers
de bilan...
Tous les partenaires (aussi bien les pouvoirs publics
que les opérateurs privés) ont intérêt au développement donc à la structuration
des pratiques et des marchés. Cette structuration doit être impulsée et suivie
pas à pas. A chaque partenaire d'y contribuer, car là aussi les économies de
moyens et d'échelle sont cruciales : la mutualisation de cette construction du
marché des formations ouvertes s'impose.
[1] : voir
la note de définition du Programme
Formation Ouverte et Ressources Educatives, approuvée par la Commission
Permanente du CNFPPS du 17 février 1992
[2] : voir
par exemple le paradigme des technologies
de communication à l'oeuvre dans l'appareil de formation de E. Barchechath
et S. Pouts-Lajus in EetEenFC, 1991, n°11
[3] : en
particulier par Chantal COSSALTER du CEREQ
[4] : voir
Inffo Flash n°355, en encart central : CR des rencontres de la Villette : les formations ouvertes et les nouvelles
technologies dans les PME
[5] : voir
Inffo Flash n°359, en encart central : CR des rencontres de la Villette : les formations ouvertes dans les banques et
assurances
[6] : voir
Inffo Flash n°359 encart central, op. cit.
[7] : voir
Inffo Flash n°353, en encart central : CR des rencontres de la Villette : les nouvelles technologies et les formations
d'ingénieurs
[8] : voir
Inffo Flash n°355 en encart central, op. cit.
[9] : voir
Inffo Flash n°355 en encart central, op. cit.
[10] : voir
Inffo Flash n°355 en encart central, op. cit.
[11] : voir
Inffo Flash n°359 en encart central, op. cit.
[12] : voir
Inffo Flash n°353 en encart central, op. cit.
[13] : voir
Inffo Flash n°353 en encart central, op. cit.
[14] :
comme la série vidéolexique Nouvelles
Technologies, Biotechnologies ou Découvertes de la CSI-La Villette par
exemple
[15] : voir
Inffo Flash n°353 en encart central, op. cit.
[16] :
comme "Que faire de l'intelligence
de la machine ? Comment la faire compléter celle de l'apprenant ? Comment un
système automatisé peut-il porter témoignage de savoir-faire humains ? Comment
donner envie de s'exercer ? Quels outils de manipulation des abstractions
mettre en oeuvre ?"
[17] : avec
le Centre Inffo, la CSI, l'IFACE, l'INA, l'ORAVEP et les acteurs des différents
secteurs
[18] : voir
Inffo Flash n°353, 355 et 359, les encarts centraux, op. cit.
[19] :
"tiens, je reconnais mon poste de
travail, avec le look de mon entreprise", ou au contraire : "ça, c'est la meilleure ! c'est tourné
dans une société concurrente ..."